Histoire

Henri et ses trois enfants : Joseph, Pauline et Eugénie

Biographies d’après « Les dictionnaires départementaux – Vaucluse » Néauber Editeur – 1905

BERNARD DE LA CROIX (Henri-Joseph de) Frère de d’André-Albert-Camille de, né à Barret-le-Bas (Basses-Alpes), le 5 mai 1840. Manufacture de faïences d’art à Apt. Père de 3 enfants, décédé en juillet 1915.

La faïence d’Apt, connue surtout des collectionneurs et des amateurs de belles céramiques, a été depuis quelques années lancée dans le grand public par une très ancienne maison dont il serait difficile de donner la date de fondation, car son origine se perd dans la nuit des temps.

Nous voulons parler de la manufacture de faïences d’art et jouets d’enfants Henri Bernard de la Croix, dont les ateliers, sis non loin de la gare, sont la filiation directe de ces vieux faïenciers de Goult et du Castelet, dont les amateurs se disputent les œuvres à prix d’or.

La filiation va même jusqu’à l’héritage.

En effet un riche seigneur du pays très curieux de belles choses eut l’idée de prendre le moulage des vases d’argent ciselés et repoussés, qui sous la Révolution prirent le chemin de la Monnaie de Paris.

Ces moules sagement conservés donnèrent un renouveau à la faïencerie du Castelet, et aujourd’hui M. Bernard de la Croix est l’heureux possesseur de cette collection unique de moules.

Le caractère primordial de la faïence de Goult et du Castelet, ou faïence jaune, était sa couleur et l’originalité de sa forme et de sa contexture, parmi lesquelles certains dessins locaux et ce qu’on appelle le tressage osier, très heureux emploi de la terre plastique dans lequel des colombins de terre sont tressés comme de la vannerie. M. Bernard de la Croix ne se contente pas de reproduire l’ancien, il s’est mis très heureusement à faire du moderne et, s’il a négligé de faire du « coulé » ou du « flammé » parce que tant d’autres le font, il exécute le marbré que personne autre que lui ne fabrique.

L’origine du marbré remonte à la Restauration. Un faïencier d’Apt découvrit par hasard qu’en mélangeant certaines terres et certains fondants il obtenait par une cuisson convenable et dans la pâte même une reproduction des belles veines du marbre, et il eut l’idée de faire quelques pièces décoratives avec cette nouvelle composition.

Ces pièces présentées à la Cour y furent trouvées très belles et soulevèrent l’enthousiasme général.

On demanda à l’inventeur s’il pourrait faire de même un service complet. L’inventeur eut la maladresse de ne pas demander un prix assez élevé, un prix de roi.

Du moment que la faïence marbrée ne coûtait point cher, elle fut méprisée et délaissée. Heureusement que la formule ne s’en est pas perdue.

M. Bernard de la Croix l’a conservée et exécute ainsi des services de table, à thé, à café, et maintes autres pièces qui sont tout simplement délicieuses.

C’eût été vraiment dommage de ne plus faire du marbré, car c’est à la fois beau et original.

Depuis peu M. Bernard de la Croix cherche de nouveaux coloris et nous avons vu deux pièces charmantes en marbré dont les teintes moins tranchées, plus fondues, plus fanées que leurs aînées nous rappelaient les plus beaux marbres gris et verts de Belgique.

Nous croyons pouvoir introduire plusieurs divisions dans la fabrication Bernard de la Croix : l’imitation du « Castelet » ; le genre antique : Romain Etrusque, Egyptien ; le genre renaissance, et enfin le moderne.

Et puisque nous avons fait allusion au modelage nous devons parler de la terre plastique qu’utilise M. Bernard de la Croix et des procédés qu’il emploie pour la traiter.

Nous avons été étonné de la finesse, de la malléabilité, de l’homogénéité de pâte de la terre plastique de l’usine Bernard de la Croix.

Il y aurait là pour les écoles des Beaux-Arts et pour les grands sculpteurs de la Capitale une mine de glaise merveilleuse et d’un prix exceptionnel, puisque M. Bernard de la Croix la vend prête à l’emploi, toute délavée, huit francs les 100k.

C’est le procédé lent, coûteux mais supérieur du délavage que M. Bernard de la Croix emploie pour la terre plastique qu’il a le bonheur de trouver à quelques mètres de son usine, dans des carrières à ciel ouvert, presque à fleur de terre, et où on la trouve dans un état de grande pureté.

Il y en a de deux sortes : de la blanche et de la rouge, toutes deux très fines, surtout la rouge.

Une autre branche de la fabrication de M. Bernard de la Croix qui est même sa spécialité unique en France et qui concurrence les productions similaires de l’Etranger est le bibelot qui se décompose en jouets artistiques dits ménages d’enfants ou de poupées, le bibelot parisien, le bibelot anglais comportant une centaine de modèles différents de toutes grandeurs, de toutes formes, de toutes couleurs.

Tout cela est coquet, gracieux, charmant, délicieux d’élégance et de bon goût.

Il y a là reproduits mignonnement en petit tous les ustensiles de tables, de cuisines, qui peuvent constituer le home d’une poupée, (quelque chose comme l’installation de l’empereur de Lilliput), tout ce qui constitue la poterie de cuisine, la faïencerie de toilette et de chambre, les services complets de table, et le tout si juste de proportion, si délicat, si bien fait que pour notre part nous avons pris autant de plaisir à nous en procurer la collection qu’un enfant même.

Ces bibelots et toutes les autres pièces se font en biscuit pour être vendus comme pièce à décorer.

Mais combien nous aimons les objets que M. Bernard de la Croix décore lui-même et recouvre d’un émail si clair, si transparent, si hyalin que les vases n’ont plus l’air d’être de terre mais bien de cristal.

Les jaspures courent le long des flancs en larmes de joie, en larmes d’espérance, en larmes de feu, selon que les tons rose, vert, grenat, incarnat des émaux se combinent pour le plaisir des yeux. Qui n’a vu du reste dans les stations hivernales de la côte d’azur ces bibelots qu’emportent comme souvenirs les étrangers des passage. Il manque à la fabrique Bernard de la Croix d’être plus connue du grand public.

Malgré la brochette de récompenses (plus de 20) obtenues dans les expositions où il a paru, M. Bernard de la Croix n’est guère connu que des collectionneurs qui s’efforcent même d’étouffer son nom pour être les seuls à posséder ses chefs-d’œuvre.

Il y a un peu de la faute de M. Bernard de la Croix qui ne se remue pas assez pour se faire connaître et qui néglige même de signer son nom ou au moins de sa firme ce qui sort de ses mains.

Cette très importante fabrique, qui couvre plus de 5000 mètres carrés et emploie 20 ouvriers, nous a intéressé surtout par ses produits où l’art se dispute à l’originalité.

Nous regrettons toutefois que cette faïencerie d’art de haute valeur imite trop la violette.

Ah! nous ne sommes pas aux époques bénies des modestes violettes, à autres mœurs autres manières.

Marie, Henri, Pauline et Joseph

LA FAMILLE Bernard de la Croix

est originaire de Barret-le-Bas, canton de Ribiers (Basses-Alpes).

Le premier connu sous le nom de la Croix est M. Bernard, l’aîné de trois frères, tous les trois capitaines au régiment de Lesdiguières, qui fut investi de la seigneurie de la Croix, près de Gap, l’an 1579.

Cette famille s’est transplantée à Apt par suite d’alliance. Antoine-Dominique-Noé Bernard de la Croix, qui descendait en ligne directe du capitaine Bernard de la Croix, naquit à Apt le 20 décembre 1754.

Il fut officier d’infanterie et épousa en 1782, en premières noces, Adélaïde-Sophie d’Arnaud de Rousset, fille de Joseph-François d’Arnaud de Rousset, seigneur de Vallongue ; et en secondes noces, en 1789, Marie-Pauline-Gertrude de Beillard, fille de François de Beillard, avocat au Parlement de Provence, ancien échevin, décédé à Apt le 8 septembre 1792.

Antoine-Dominique Bernard de la Croix mourut à Marseille le 1er décembre 1831, à l’âge de 77 ans, et Gertrude de Beillard décéda à Apt en 1846.

De ce second mariage naquit un fils unique, André-Alphonse Bernard de la Croix, né à Apt en 1790, qui épousa en premières noces, à Aix en Provence, le 28 décembre 1816, Marie-Thérèse-Hilarie de la Boulie, fille de Balthazar de la Boulie, premier avocat général, puis procureur général près de la cour royale d’Aix sous la Restauration, et de Marie-Eugénie-Batistine d’Abel de la Duranne, décédée à Aix en 1835.

De ce mariage naquirent : 1° fils, Ernest-Alphonse-Balthazar ; né le 28 décembre 1817, mort en octobre 1818 ; 2° une fille, Alix-Eugénie-Alphonsine, née le 17 mai 1819, et décédée à Apt le 8 août 1834 ; et en secondes noces Marie-Madeleine Pellegrin, de Barret-le-Bas (Basses-Alpes), dont son issus : 1° André-Albert-Camille ; 2° Claire-Marie-Virginie, mariée à M. Sauvan, à Apt, et 3° Henri-Joseph, susnommé.

Henri-Joseph Bernard de la Croix eut trois enfants : 1° Joseph-Henri né à Apt, le 21 août 1882 (décédé le 22 mai 1963 à Nice sans enfant) ; 2° Pauline-Camille mariée le 21 novembre 1903, à Auguste-Gaston Chabert, à Nîmes, décédée le 21 janvier 1963 à Mandelieu (A.M.), 2 enfants Françisc et Elise Chabert : 3° Eugénie-Anna, née le 13 avril 1890 mariée à Elie Bernadac (décédé à Auch le 3 novembre 1912) dont 1 fils Elie-Jean-Joseph né le 16 mai 1913 à Auch (décédé le 18 juin 1999).